Nonna Nunziata, une « Bonne Maman » italienne au Brésil
Des milliers de kilomètres les séparent. Elles ne se sont jamais rencontrées. Elles vivent de chaque côté de l'océan, bien ancrées dans leur pays d'adoption, où elles ont fini par planter leurs racines, non sans quelques élans de « saudade », parfois...
Deux « nonne » (« grands-mères », en italien) qui aiment par-dessus tout réunir leurs familles autour d'elles, et prodiguer leur amour à travers des recettes pluriséculaires, transmises de mère en fille, comme le veut la tradition – une tradition qu'elles essayent tant bien que mal de maintenir, malgré le temps qui passe et les modes qui trépassent ; une tradition qu'elles adaptent à leur nouveau contexte, aux goûts locaux et aux produits disponibles ; une tradition que nous, les petits-enfants, tentons de suivre, de nos gestes novices et maladroits, pour pouvoir la passer un jour à nos propres enfants et perpétuer la mémoire de nos ancêtres à travers leur plus riche patrimoine : celui des saveurs et des souvenirs intimes qui leurs sont associés.
C'est à São Roque, une petite ville de l'intérieur de l'État de São Paulo, que j'ai eu la surprise de rencontrer une sorte d'alter-ego de ma propre « nonna » : Nonna Nunziata, comme tout le monde l'appelle ici, est l'un de ces êtres surprenants sur lesquels le temps et la vieillesse semblent n'avoir pas de prise : âgée de 73 ans, elle mène d'une main « carinhosa e amorosa, mas firme e enérgica », aux dires de ses quatre employées, fidèles et dévouées, sa petite entreprise de conserves et confitures artisanales.
L'idée de fonder cette entreprise a fait son chemin dans l'esprit de Dona Nunziata il y a une dizaine d'années, quand cette mère de famille, retraitée, sentait l'ennui poindre son nez et ne se résignait pas à « ficar parada » (« rester immobile », autrement dit, « ne rien faire ») : « tant que Dieu me donnera la santé, je continuerai à travailler, c'est comme cela que je me sens vivante » dit-elle, avec une énergie qui rabattrait le caquet à plus d'un syndicaliste.
Dona Nunziata avait coutume, depuis toujours, non seulement de régaler famille et amis de mets délicieux préparés avec amour, mais aussi de leur offrir des petits souvenirs gourmands de ces moments. Famille et amis commencèrent à divulguer les dons de la « nonna », et à lui suggérer d'en faire négoce. Elle ouvrit donc ce petit laboratoire artisanal, où tout est « fait maison », comme Dona Nunziata elle-même a appris à le faire quand elle était petite, dans sa région natale du sud de l'Italie (la province de Bari, dans les Pouilles), ou avec ses amies brésiliennes, ici, à São Roque (comme ces « goiabinhas », sablés à la pâte de goyave).
Et le succès de ses spécialités ne se dément pas : de bouche à oreille, on recommande ses pâtés d'artichaut, sa « sardella » (une tartinade de poivrons rouges légèrement pimentée), ses conserves d'aubergines, de courgettes et de tomates séchées, qui font merveille à l'heure de l'apéro ; ses sauces, délicieuses nappées sur une « pasta » comme là-bas ; ses confitures préparées avec l'art et la patience d'antan ; et ses biscuits, croquants sous la dent, fondants sous la langue, délicatement parfumés au citron, aux amandes ou à la cannelle, pour le bonheur des petits et des grands – le tout sans additifs ni conservants, dans le respect des normes d'hygiène et de qualité, avec les fruits et légumes d'un petit producteur local, et deux ingrédients spéciaux et indispensables : le « capricho », dont témoignent les ravissants bocaux vichy (ah!, fameux vichy, champion de la nostalgie) et le charme rétro des paniers gourmands ; et le « carinho », que Dona Nunziata prodigue à tout un chacun et qui est devenu le mot d'ordre de la maison.
J'ai pu partager, le temps d'une matinée ensoleillée, le quotidien de l'atelier de Dona Nunziata, où règnent bonne humeur et amour du travail bien fait : confection de la sardella avec Maria,
et des palitos de canela avec Janete et Eliane,
conversations animées dans la chaleur du four, enveloppées par l'odeur chatouillante des épices et les effluves veloutés de la pâte feuilletée mordorée, au milieu des géraniums et des rangées de bocaux,
sous l'œil attentif et tendre de la patronne elle-même, un ange de douceur et une vraie « nonna » comme on les aime. L'espace d'un instant, je me suis retrouvée chez ma « nonna » à moi, apprenant à former de jolies pâtes pour le repas de famille dominical, tandis que mijote la sauce tomate que personne ne réussira jamais à refaire à l'identique – ma lointaine « madeleine » italienne...
Nonna Nunziata, Rua Comendador Inocêncio, 48 - Centro - São Roque – SP - Brasil - Tel : [+55] (11) 4784-5336 – E-mail : contato@nonnanunziata.com.br – Site : http://www.nonnanunziata.com.br