Erico Veríssimo : gaúcho, dans l’âme et dans les mots
Autre célèbre gaúcho, Erico Veríssimo (1905-1975) est l’un des écrivains brésiliens les plus populaires.
Débarqué de sa Cruz Alta natale à Porto Alegre en 1930, il y fréquente la crème de l’intelligentsia locale : Mario Quintana, Augusto Meyer, Guilhermino César, et y obtient le poste de secrétaire de rédaction au sein du journal Revista do Globo, dont il dirigera ensuite le projet éditorial Editora Globo. En 1943 il part aux Etats-Unis, où il occupe la chaire de Littérature Brésilienne dans la prestigieuse université de Berkeley. De ce voyage naîtront deux livres : Gato preto em campo de neve (1941) et A volta do gato preto (1947).
Mais son véritable chef-d’œuvre, c’est la trilogie historique O Tempo e o Vento (1949-1961) : O Continente, O Retrato, O Arquipélago ; O Senhor Embaixador (1965), autre œuvre de relief, réfléchit sur les erreurs et les errances de l’Amérique Latine ; toujours avec la même verve polémique, il publie en 1971 le délirant roman Incidentes em Antares, avant qu’un infarctus en 1975 ne l’empêche de conclure le second volume de son autobiographie, Solo de Clarineta, inspirant au poète Carlos Drummond de Andrade cet émouvant hommage :
A falta de Erico Veríssimo
Falta alguma coisa no Brasil
Depois da noite de sexta-feira.
Falta aquele homem no escritório
A tirar da máquina elétrica
O destino dos seres,
a explicação antiga da terra.
Falta uma tristeza de menino bom
Caminhando entre adultos
Na esperança da justiça
Que tarda – como tarda !
A clarear o mundo.
Falta um boné, aquele jeito manso,
aquela ternura contida, óleo
a derramar-se lentamente.
Falta o casal passeando no trigal.
Falta um solo de clarineta.
Il manque quelque chose ce soir au Brésil
Après la nuit de vendredi.
Il manque cet homme dans le bureau
Tirant de sa machine électrique
Le destin des êtres
La vieille explication de la terre.
Il manque la tristesse d’un enfant bon
Marchant entre les adultes
Dans l’espérance de la justice
Qui tarde – comme elle tarde !
À éclaircir le monde.
Il manque une casquette, cette façon douce,
Cette tendresse contenue, huile
Qui se répand lentement.
Il manque le couple se promenant dans le champ de blé.
Il manque un solo de clarinette.
Avec ce grand conteur d’histoires a disparu l’une des plus grandes voix de la fiction moderne brésilienne. Son style simple, sa vision cinématographique ont donné au roman une nouvelle jeunesse, et sa plume épique et habitée a magnifié le Rio Grande do Sul et ses habitants. Piquant, dérangeant, Erico Veríssimo interroge l’Histoire, ses failles et ses brûlures, et l’homme contemporain, divorcé d’avec la religion : en quête d’une solution, pas toujours optimiste, si jamais elle existe…